ASTRIA et Vous n°28 > Juin 2008

> Acheter un logement occupé

Acheter un logement occupé est un moyen pour un ménage disposant d’une certaine épargne de devenir, à terme, propriétaire. Un tel achat présente cependant, comme tout investissement à moyen ou long terme, des risques, que l’acheteur doit mesurer. La formule permet toutefois à ces ménages d’obtenir un crédit pour investir dans la pierre. En effet, l’acquéreur obtient plus facilement un emprunt bancaire, même avec peu d’apport personnel, puisque les mensualités seront couvertes, en tout ou partie, par les loyers perçus.
L’acquéreur peut prévoir d’acheter le logement en vue de l’occuper lui-même plus tard ou le faire occuper par ses ascendants et descendants ou ceux de son conjoint, à l’expiration du bail du locataire. Il peut également acheter le logement dans le simple but d’investir dans la pierre et se créer, à terme, une source de revenus supplémentaires.
L’achat d’un logement occupé est donc a priori une bonne affaire, surtout pour son prix, mais il comporte aussi des inconvénients.

> Les précautions à prendre
Il convient pour l’acquéreur de se prémunir de toutes les garanties avant de conclure définitivement l’achat et en particulier de bien étudier les clauses du contrat de location ainsi que la solvabilité du locataire en place. Il doit obtenir, en même temps que le titre de propriété, le contrat de bail écrit. Il vérifie que les loyers et charges ont été et sont toujours régulièrement payés. Également, il s’assure que le locataire s’acquitte de ses obligations d’entretien et qu’il n’y a pas de procédure en cours, de quelle que nature que ce soit. Pour cela, le notaire a un devoir de conseil que l’acheteur avisé aura consulté avant de prendre sa décision.
De la même manière que pour un logement acheté libre d’occupation, l’acquéreur doit s’assurer que l’immeuble est en bon état général et, dans le cas d’une copropriété, que des travaux importants n’ont pas été votés par l’assemblée générale ou ne sont pas envisagés dans un avenir proche.
L’acheteur demande à consulter les derniers procès-verbaux des assemblées générales, le diagnostic technique de l’immeuble ainsi que le carnet d’entretien (ces documents sont à demander au vendeur qui les obtient lui-même du syndic et qui doit les copier à ses frais). Un état daté, établi par le syndic, est également à la charge du vendeur, de même que les différents diagnostics obligatoires (lire notre article sur les diagnostics).
Enfin, la réglementation n’est pas la même selon qu’il s’agit d’un logement loué nu ou loué meublé : la durée du contrat de location est différente, de même que les règles pour donner congé au locataire en place. Un logement loué nu par une personne physique l’est au minimum pour trois ans et s’il s’agit d’un bailleur institutionnel (une personne morale), le contrat de bail est de six ans minimum. Concernant un logement meublé, le contrat de bail est de un an, renouvelable chaque année avec un délai de préavis fixé entre les parties, généralement de deux mois.

> Les avantages de l’achat d’un logement occupé
Le premier avantage est une certaine décote par rapport à un logement acheté nu ou meublé, mais sans occupant : l'acheteur va bénéficier d'un prix inférieur du fait qu'il ne peut pas lui-même occuper tout de suite le logement.
Il faut savoir que plus le logement est difficile à revendre - ou à reprendre - plus la décote est importante : elle est en moyenne de 7 à 15 % mais peut atteindre 20 % ou plus du prix du logement selon les constatations observées. Il en va ainsi pour les logements sous la loi de 1948 ou encore lorsque le locataire en place est âgé ou handicapé et qu'il bénéficie d'un droit au maintien dans les lieux.
Pour les locations relevant de la loi du 6 juillet 1989 - les plus courantes-, la décote est fonction du nombre d'années du contrat de bail restant à courir et de la situation géographique du bien. Par exemple, c'est le cas d'un logement qui est situé dans une ville où beaucoup de biens ne trouvent pas preneurs, mais qui va prendre de la valeur dans le temps à la suite d'aménagements faits par la commune (transports, etc).
En outre, si le locataire en place décide de partir de lui-même avant la date prévue dans le contrat de bail, le vendeur pourra revendre le logement non occupé, donc plus cher.
La plus-value est donc quasiment assurée, quel que soit le cas envisagé.
En second lieu, contrairement à un logement acheté libre d'occupation, l'acquéreur a toutes les informations sur le locataire en place. Ainsi le contrat de location se poursuit sans changement pour le locataire, sauf pour le paiement des loyers et charges qu'il adresse à son nouveau bailleur.

Certains acheteurs préfèrent investir dans un logement déjà occupé par un locataire relevant des dispositifs Robien ou Borloo. L'avantage fiscal n'est pas négligeable, si l'opération était intéressante au départ, c'est-à-dire que le prix du logement n'était pas trop élevé. Dans cette hypothèse, le locataire paie un loyer qui couvre en grande partie l'emprunt bancaire. Dans le cadre de ces dispositifs, le logement déjà occupé doit impérativement être loué nu, contrairement à l'achat d'un logement occupé « classique » qui peut être meublé. Concernant cette « acquisition-investissement », qui peut être réalisée suite à une séparation des vendeurs, à une succession, ou encore à des acquéreurs ne pouvant plus faire face au remboursement de leurs crédits, l'acheteur doit avoir un revenu imposable relativement important pour que cette opération soit rentable. Sinon, il a tout intérêt à acheter un logement ancien déjà occupé avec un contrat de bail permettant une augmentation annuelle du loyer.

> Les inconvénients
L’acquéreur achetant un logement occupé, nu ou meublé, doit vérifier le régime juridique du contrat de location et les conditions d’habitation par le locataire, car les protections en faveur de ce dernier sont nombreuses.
En premier lieu, la durée du bail, qui peut être de trois ans, six ans, neuf à quinze ans pour un Robien ou un Borloo, voire indéterminée pour un contrat de location sous le régime de la loi de 1948.
Ensuite, la loi impose des motifs légaux de reprise, sauf à ce que le locataire parte de lui-même. Ainsi, l’acheteur ne peut pas occuper le logement ou le revendre sans avoir préalablement donné congé au locataire, en respectant la procédure fixée par la loi. Celle-ci impose au bailleur de donner congé à son locataire au moins six mois avant la date de fin du contrat de location pour les baux issus de la loi du 6 juillet 1989 (qui sont majoritaires). Le congé peut toutefois être donné avant le terme dans le cas où le locataire ne respecte pas les conditions fixées dans le contrat : non paiement du loyer à la date fixée, non présentation annuelle de l’assurance multirisques habitation, etc.
Dans l’hypothèse de la vente du logement au terme du bail, le locataire dispose d’un droit de préemption. Lire notre dossier « mettre fin au contrat de location »

Lors d’opérations dites de « vente en bloc » ou « vente à la découpe », les locataires sont mieux protégés depuis la loi n° 2006-685 du 13 juin 2006 : lorsque le bailleur vend son immeuble au profit d’un acquéreur qui ne veut pas s’engager à proroger les baux en cours pour une durée de six ans à compter de la date d’acquisition, les locataires ont un droit de préemption sur leur logement. En outre, lorsque la vente de l’immeuble intervient moins de deux ans avant le terme du bail, le locataire bénéficie d’office d’une reconduction du bail de deux ans. Cette loi s’applique toutefois uniquement pour les ventes d’immeubles comprenant plus de dix logements (lire sur ce sujet notre newsletter n° 7 de juillet/août 2006).

Le logement vendu aux enchères publiques : l’acquéreur intéressé par un logement occupé vendu aux enchères doit se renseigner par avance sur les conditions dans lesquelles le bien va se libérer. S’il s’agit d’un logement occupé par un locataire, ce dernier pourra jouir du logement jusqu’à la fin du contrat de bail, sans changement, sauf pour le paiement des loyers et charges qu’il réglera au nouveau bailleur. Ensuite, ce dernier pourra donner congé dans les conditions fixées par la loi (voir ci-dessus).

Si le logement est occupé par un squatteur, l’acquéreur engagera une procédure en justice et demandera, outre le paiement de loyers d’occupation, la libération immédiate des lieux.
Le cas le plus délicat est celui où le logement est toujours occupé par l’ancien propriétaire lui-même. Dans cette hypothèse, l’acquéreur doit prévoir une procédure d’expulsion qui risque d’être longue et coûteuse.
C’est la raison pour laquelle, dans ces deux cas, la décote est très importante.